Et les mots ne coulent plus
- Naomi Monson
- 2 avr.
- 2 min de lecture
Noués
dans la gorge
Et les mots-mêmes ne coulent plus,
face au danger de leur issue.
Les mots
là
au creux du coeur,
et bien plus
encore,
en profondeur.
Si puissants, en vérité,
qu'ils sont bien plus que la Pensée.
Ils nous viennent d'un lieu insoupçonné,
d'une sphère universelle
où l'âme côtoie celles
de ceux que je reconnais,
ceux-là,
vivants ou morts déjà.
Dans les livres, les poèmes, le cinéma.
Et chaque jour,
ils me manquent,
et je m'en veux
d'être si peu
si peu là
et auprès d'eux.
Alors,
voici qu'apparait
dans ces tréfonds dont je parlais
la part douce de mon âme.
Elle entoure mes manques et de ses bras
tendres
elle enrobe au fil des larmes
la part brisée
et le vacarme.
"Oh toi, ne vois-tu pas où tu es
et dans quels lieux tu grandis,
et qui tu as pour ennemis?
Oh toi, tu ne sais pas
combien tu luttes malgré toi?"
Âme douce et maternelle
et par là-même
je me suspends entre les lignes
et ton message je le devine.
Tu me dis que mes défaites et mes regrets,
ceux de n'apprendre pas autant que je le voudrais
sont tributaires du temps manqué,
au quotidien tant destiné.
Car il faut combattre, il faut veiller,
il faut dormir, il faut manger.
Et puis quel air encore,
à respirer?
Mes mots, mes mots piégés
entre mon coeur et mon gosier.
Des mots détenus, des mots blessés
des mots fichus et étouffés.
Alors ça cogne, alors ça grogne,
et le tumulte est au-dedans
lorsque contraire nous est le vent.
Le vent, ce vent-là,
c'est notre
époque,
comprenez-vous?
Il nous défait,
il nous assomme,
nous veut pliés,
et à genoux.
Et ma gorge qui n'en peut plus,
les bouts de moi
qui s'atténuent.
Quelle voie prendre,
quel lendemain,
pour que mes mots se fassent Destin?
Et le vent souffle sans Raison,
si ce n'est
celle du fou et celle du pion.
Mon âme, ma douceur,
voici que je comprends tes dires et leur ampleur.
Personne ne choisit réellement
où il se trouve, avec quels gens.
Nous voici tous ballotés
sur un navire mal orienté.
Voici qu'il s'approche de contrées,
que j'ai du mal à visiter.
Notre liberté, la seule réellement,
est toute ténue,
et au-dedans.
Voici donc
le seul choix qui existe sincèrement,
celui de lutter intérieurement,
en restant droit
qu'importe le vent.
Mais quelle victoire figurez-vous,
d'être debout,
malgré les coups.
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